1. Tonalité & Modulation
Cours
Exercices I : Quiz
Exercices II : Identifier les tonalités
Exercices III : Trouver les armures

1. Tonalité & Modulation

Cours


Contenu :

  1. Introduction : qu'est-ce que la tonalité ?
  2. Identifier une tonalité d'après son armure (les altérations à la clé)
  3. Les 3 formes du mode mineur
  4. Les modulations et les tons voisins
  5. La naissance de la gamme

En fin de cours, un petit historique de la gamme, puis quelques liens pour aller plus loin. Ensuite, allez aux exercices pratiques.


I - Introduction

La musique dite « classique » est avant tout une musique tonale.

C'est à dire que toute pièce est écrite dans une tonalité précise ("Concerto en ré mineur", "Symphonie en do majeur"...)


Qu'est-ce que la tonalité ?

La tonalité de do majeur, par exemple, est construire à partir de la gamme de do majeur, c'est à dire la célèbre échelle de sons « do-ré-mi-fa-sol-la-si-do » :




Mais c'est bien plus que cela : la tonalité est un système, avec sa "tonique", sa "dominante", etc., un peu comme un système planétaire par exemple, avec sa planète centrale et ses satellites, leurs masses inégales, leurs attractions, répulsions, tensions, détentes... bref, un ballet de mouvements dans un espace en équilibre.



En savoir plus...



La Tonique

Toute tonalité est construite autour d'une note principale : sa TONIQUE, également nommée « Ier degré » (car c'est la première note de la gamme choisie pour le morceau).

C'est elle qui "donne le ton" et détermine la tonalité, l'espace dans lequel se développera tout le morceau. C'est elle qui est précisée dans le titre de la pièce ("Ouverture en do mineur").

La tonique représente l'espace de repos absolu, d'où l'on part et où l'on revient.

C'est un peu comme la maison, que l'on quitte pour une promenade en montagne et, après des détours vers le haut et vers le bas, où l'on revient finalement se reposer.

Ou encore notre planète Terre, sur laquelle nous sommes basés, et depuis laquelle nous observons les autres planètes (les autres degrés).

C'est le point d'équilibre du système.

Plus qu'un son unique (do par exemple), le « Ier degré » est surtout un ACCORD PARFAIT : l'accord de tonique ou de Ier degré (do-mi-sol par exemple).

Dans toute pièce tonale, cet accord est clairement énoncé dès le départ, et solidement réaffirmé à la fin du morceau.

Exemple : Emilie Mayer - Ouverture en Do mineur (1ères mesures)

L'accord de tonique, clairement présenté dès le début, devient dès lors identifiable (on le reconnaît en fin de cet extrait)...


La Dominante

Vient ensuite le second personnage le plus important : la DOMINANTE, également appelée « Ve degré » (car c'est la 5ème note de la gamme choisie : par exemple, en do majeur, la dominante est sol).

C'est la dominante qui assure le rôle de « tension » maximale.

Là encore, il s'agit moins d'un son unique que d'un accord : par exemple, en do majeur, la dominante (le Ve degré) est l'accord parfait de sol (sol-si-ré).

De nombreuse raisons historiques et acoustiques expliquent tout cela. Gardons simplement à l'esprit que la tonalité est un système de tensions et de détentes, de suspensions et de repos, toujours en recherche d'équilibre.


Exemple

Voici un air bien connu : "Ah ! vous dirai-je maman".

  1. Il démarre sur la tonique do ;
  2. Puis s'accroche sur la dominante sol ("Papa"), comme "en suspension" ;
  3. Pour conclure enfin en revenant sur do ("Moi") – note finale sur laquelle l'air se posera.

C'est ce parcours qui crée un "sentiment tonal".

« La plus ancienne date que je puisse citer pour Ah ! vous dirai-je, maman ? est 1740, puis les Folies de Coraline, pièce jouée en 1745 à la Comédie italienne. » J.-B. Weckerlin


... et les autres degrés

Viennent ensuite les autres degrés, plus ou moins importants, et qui apportent une sensation plus ou moins grande de tension ou de détente.

Certains agissent comme des « dominantes secondaires » (les « pseudo-dominantes » de différents degrés, créant avec eux de nouvelles tensions temporaires), d'autres comme des espaces de repos temporaire (créant une sensation de « presque-tonique »), etc.

C'est un peu comme dans un roman policier :

  • On part en général d'une situation initiale sereine (la tonique),
  • Puis survient un élément perturbateur (la dominante) qui va déclencher des péripéties,
  • Enfin, viendra la résolution permettant le retour à une situation finale stable (la tonique).

Ce type de séquence est en général imbriqué sur plusieurs niveaux dans les romans, il y a des péripéties dans les péripéties (dominantes secondaires, tonalités voisines...). C'est cet enchaînement de situations stables et de tensions qui nous tient en haleine et rend le roman intéressant. Pour articuler un récit, susciter des émotions, la musique tonale est construite de manière similaire.

► L'imbrication...


promenade en montagne

"Ah ! vous dirai-je Maman", la petite mélodie vue plus haut, est un parfait exemple de ces structures "imbriquées" :

  • La chanson complète, on le sait, suit le parcours ToniqueDominanteTonique ("tension-détente", portée du haut).

  • Eh bien la première phrase suit exactement ce même parcours ToniqueDominanteTonique, avec suspension sur la dominante, au centre (portée du bas).

Ainsi, chaque pièce de musique tonale est une succession de cellules de forme "tension-détente", groupées en phrases de même forme, les phrases en sections, les sections en parties... jusqu'au mouvement tout entier qui adopte cette même forme. Cette autosimilarité constitue une sorte de mise en abyme (des histoires dans l'histoire).


En résumé, on peut voir la tonalité comme un système hiérarchisé (avec des degrés plus ou moins importants, puissants, ou faibles) parcouru de mouvements (enchaînements de degrés, voyageant parfois loin de la tonique), et soumis à des attractions, des tensions (la dominante) et des détentes (la tonique), créant déséquilibres et besoin d'équilibre (le retour final à la tonique).


promenade en montagne

Exemple

Imaginons une balade en montagne :

  1. Nous partons de la maison (la tonique) ;
  2. Pour atteindre directement le sommet visé (la dominante, point de tension maximale) ;
  3. Au retour, puisque le temps s'y prête, nous musardons par des chemins plus éloignés (les degrés voisins) ;
  4. ... Avant de rentrer finalement à la maison (la tonique).


C'est le parcours de toutes les pièces classiques.

Comme par exemple cet extrait d'un duo pour 2 violons de Maddalena Laura Lombardini Sirmen.

Dès l'écoute, on ressent instinctivement l'affirmation initiale de l'accord de Ier degré (l'accord de "tonique"), Do majeur, qui pose le cadre.

Puis, en lisant la partie de second violon (la « basse » affichée ici), on reconnaît parfaitement ce parcours : tonique-dominante-tons voisins-tonique.


Maddalena Laura Lombardini SIRMEN (1745 – 1818)

Duo pour 2 violons en Do majeur Op. 5 – Allegro final


Écouter, par Anita Mishoukova & Daniel Bell

N'oubliez pas que la première reprise est jouée...

Remarque : globablement, toute la musique moderne populaire respecte les règles de la musique tonale. En général, quand on étudie "la musique", on étudie la musique tonale...


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II - Tonalité & Armure

Une tonalité est déterminée par son armure (les altérations présentes à la clef).

1 - Pour une tonalité MAJEURE :

⮕ Avec # : Le dernier # à la clef est la sensible.

Exemples :

⮕ Avec ♭ : L'avant-dernier ♭ à la clef est la tonique.

Exemples :

Pourquoi ?


Pourquoi ? C’est très simple : c’est une histoire de tétracordes.


Le tétracorde est un groupe de 4 notes conjointes (du latin tetrachordon = suite de 4 sons dont les 2 extrêmes forment une quatre - ou du grec « lyre à 4 cordes »).
Pythagore (il y a près de 25 siècles) est le « père de la gamme » par construction de tétracordes (voir à la fin de ce cours).



Une gamme majeure est formée de 2 « tétracordes » superposés (« inférieur » et « supérieur », une quinte plus haut).

Voici les 2 tétracordes formant la gamme de Do Majeur :

⮕  On note la parfaite similitude entre ces 2 tétracordes : 1 ton + 1 ton + 1/2 ton.


Conséquence : le tétracorde supérieur d’une gamme peut servir de tétracorde inférieur d’une nouvelle gamme, située plus haut.
Ainsi, le tétracorde supérieur de Do Majeur est également le tétracorde inférieur de Sol Majeur :

⮕ Le tétracorde supérieur de Sol Majeur (Ré-Mi-Fa#-Sol) nécessite l’apparition d’un FA #, afin de conserver le modèle initial (1 ton + 1 ton + 1/2 ton).

De même, le tétracorde inférieur d’une gamme peut servir de tétracorde supérieur d’une nouvelle gamme, située plus bas.
Ainsi, le tétracorde inférieur de Do Majeur est également le tétracorde supérieur de Fa Majeur :

⮕ Le tétracorde inférieur de Fa Majeur (Fa-Sol-La-Si♭) nécessite l’apparition d’un Si♭, afin de conserver le modèle initial (1 ton + 1 ton + 1/2 ton).

Cette construction des gammes par tétracordes successifs peut se poursuivre en montant (vers les dièses) comme en descendant (vers les bémols) :

  • En montant, chaque nouvelle gamme est à la quinte supérieure de la précédente, avec 1 # en plus
  • En descendant, chaque nouvelle gamme est à la quinte inférieure de la précédente, avec 1 ♭ en plus :


Conséquence : on peut lister :

  • Un « ordre des dièses » : chaque tétracorde « en montant » appelle un nouveau dièse,
  • Et un « ordre des bémols » : chaque tétracorde « en descendant » appelle un nouveau bémol.

Ce n’est que par confort mnémotechnique que nous disons « le dernier dièse est la sensible » ou « l’avant dernier bémol est la tonique » ; on pourrait tout aussi bien dire, par exemple : « le denier bémol est la sous-dominante » ou « l’avant dernier dièse est la médiante », etc. (mais ce serait moins facile à retenir...)

Le plus logique serait de raisonner ainsi :

Telle gamme (par exemple LA Majeur) est située 3 quintes plus haut que DO (=>SOL-RÉ-LA) ; elle possède donc 3 dièses :

Ou encore : Telle gamme (par exemple MIb Majeur) est située 3 quintes plus bas que DO (FA-SIb-MIb) ; elle possède donc 3 bémols :


Mais cela impliquerait un chemin mental plus laborieux et moins direct…


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Note : Les tonalités nommées "bémol" possèdent des bémols, les autres des dièses (à part FA et DO).


2 - Pour une tonalité MINEURE (relatif mineur) :

⮕ Elle possède la même armure et se trouve une tierce en-dessous de sa tonalité majeure relative.

Exemples :

* IMPORTANT : ne pas oublier que les altérations à la clef s'appliquent au nom du mineur relatif !



III - Les 3 formes du mineur

À cause de son absence de sensible, qu'il faut parfois "fabriquer", la gamme mineure présente 3 formes.

Exemple : la mineur

Ces différentes formes peuvent coexister dans un même passage.

Exemple...


Voici un extrait de la Suite no. 1 en Ré mineur d'Élisabeth-Claude Jacquet de la Guerre.

Toutes les formes du mineur y sont présentes tour à tour.


Élisabeth-Claude Jacquet de la Guerre (1665 - 1729)

Suite no. 1 en Ré mineur - 7. "Cannaris" (Début)

Écouter, par John Metz
Sur un mode de ré mineur sans aucun bémol à l'armure, voir l'explication dans le cours no. 4 sur les modes.



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IV - La Modulation

Moduler, c'est quitter un ton et entrer dans un autre : la modulation est une frontière.

Pour connaître le nouveau ton, il suffit de recenser toutes les altérations qu'il contient *.

* Attention : il faut parfois faire le tri des notes étrangères chromatiques (broderies, appoggiatures et notes de passage chromatiques, sensibles secondaires...) qui ne "comptent pas" et n'entraînent pas de modulation.

Exemple (les "frontières" des modulations sont matérialisées par un trait) :


Elisabetta de Gambarini - Andante en sol mineur * - Lessons for the Harpsichord, Op. 2 No. 3

* Sur un mode de sol mineur avec 1 seul bémol à l'armure, voir l'explication dans le cours no. 4 sur les modes.


Écouter, par Margherita Torretta :


Remarques :
  • Comme il est de tradition, la pianiste ajoute des ornements lors des reprises.
  • Il y a une petite erreur de note (répétée à la reprise) : saurez-vous la trouver ?...



V - Les Tons voisins

Chaque tonalité majeure possède des voisines : celles qui ont une altération de différence (une du côté des dièses, une du côté des bémols), et les tonalités mineurs relatives.

Exemple : DO MAJEUR & ses tons voisins :


Il en va de même pour une tonalité mineure : elle possède évidemment les mêmes voisines que sa relative majeure (les 2 voisines mineures, et les 3 relatives majeures).


⮕ Les tons voisins sont ceux que l'on rencontre prioritairement (voire uniquement) dans le parcours tonal d'une pièce classique (ses modulations).
Exemple : l'Andante d'Elisabetta de Gambarini, plus haut, module uniquement aux tons voisins les plus proches de sol mineur : Sib Majeur et do mineur (tous regroupés dans les 2 maisons de gauche).


Remarque : les tons voisins d'une tonalité majeure sont "présents" dans cette tonalité : ce sont tous les accords parfaits que l'on y trouve (idem en mineur évidemment).

Exemple : En DO MAJEUR, nous pouvons jouer 3 accords majeurs et 3 accords mineurs : ce sont les 1ers degrés des tons voisins (voir dessin ci-dessus).




Note les 3 accords majeurs sont les "accords de Blues en Do Majeur" (I + IV + V du mode Majeur),
les 3 accords mineurs sont les "accords de Blues en la mineur" (I + IV + V du relatif mineur).


🎶  Résumé 🎵

  • Une tonalité est déterminée par l'armure (les altérations à la clef).

    • Avec des dièses : le dernier # à la clef est la sensible.
    • Avec des bémols : l'avant-dernier ♭ à la clef est la tonique.

  • Le ton mineur relatif est situé à la 3ce inférieure du ton Majeur. Ils partagent la même armure.

  • La gamme mineure possède 3 formes ("naturelle", "mélodique ascendante", "harmonique").

  • Moduler, c'est quitter une tonalité pour entrer dans une autre.

  • Chaque tonalité possède des tons voisins : 1 du côté des #, 1 du côté des ♭, et les 3 relatifs.


⏳  Un peu d'histoire  ⌛

D'où vient la gamme ? D'où viennent les dièses et le bémols ?

Pythagore

On attribue à Pythagore la construction de la gamme occidentale.

(Même si certains paléographes y voient plutôt l'héritage des Egyptiens, ou même des Babyloniens.)

Le philosophe et mathématicien grec aurait posé, au VIe siècle avant J.C, les bases de la théorie musicale telle qu'on la connait aujourd'hui.

Pythagore considérait que tout ce qui existe dans la nature est régi par les nombres et leurs proportions, y compris l'harmonie des sons. En appliquant le principe de proportions à la musique, il a obtenu les quatre consonances fondamentales de la gamme musicale : l’unisson, l’octave, la quinte et la quarte. Il s'est ensuite servi des trois proportions pour calculer toutes les autres notes. Même si le calcul mathématique donne un résultat sonore légèrement inexact, la gamme pythagoricienne fut utilisée jusqu'au XVIIe siècle.

Dans ce scénario, Pythagore considère l'octave comme la consonance la plus « parfaite » (un son et son « double »). Puis vient la quinte (1ère harmonique « différente » d'un son fondamental).

Il "fabrique" donc chaque note de la gamme en prenant la quinte de la précédente.


Note : ce dessin met en lumière l'ordre des dièses (en avançant) et l'ordre des bémols (en reculant).


Pythagore

Ainsi, en sautant de quinte en quinte, on finit par collectionner 7 sons différents, qu'il suffit alors de « ramener » dans le giron d'une octave : on a construit une « gamme ».

Pourquoi 7 notes ?

Car, pour les pythagoriciens, le 7 était un nombre sacré. (Et, plus prosaïquement, car au bout de sept quintes, on tombe sur une note dont la fréquence est relativement proche de l'octave de la note de départ – à moins de 10% près – : on "boucle" ainsi – assez imparfaitement – l'octave...)

Dans l'exemple ci-dessus, les 7 sons rangés en quintes, FA-DO-SOL-RÉ-LA-MI-SI, formeront la gamme de Do Majeur (do ré mi fa sol la si).

En toute logique, le dernier son aurait du être FA # (denière quinte en haut). Mais Pythagore, considérant la quarte comme une "consonance parfaite", lui préféra le FA♮ (1ère quinte en dessous), pour permettre la quarte juste DO-FA♮...




🌐  Sur le Web  🌐

⮕ Pour aller plus loin :

Acoustique
2 minutes pour comprendre la gamme Pythagoricienne Audiofanzine (Chaîne YouTube)
La construction de la gamme de Pythagore Site "Assistance scolaire"
Écriture
Les gammes Gradus ad Parnassum (Chaîne YouTube d'harmonie et de contrepoint)
Esthétique
Le pouvoir expressif et affectif des tonalités France Musique
Pourquoi la musique nous émeut-elle autant ? Francis Wolff, Professeur émérite de philosophie, École normale supérieure
Histoire
La Gamme Pythagoricienne Philharmonie de Paris
Pythagore ou les origines de la gamme Res Musica
Théorie
La gamme en musique : c'est quoi ? Radio France